Ensembles et applications

 

I. Définitions
II. Cardinal d'un ensemble
III. Lois de composition
IV. Relations binaires
V. Décomposition canonique d'un application

 
Introduction :

Le but de ce chapitre est d'introduire des notions de base de la théorie des ensembles comme préliminaire indispensable à l'étude de l'algèbre. Ce chapitre ne se veut en aucun cas une étude complète, bien trop complexe pour une introduction; nous n'étudierons notamment les notions "abstraites", comme les ensembles ou les cardinaux, que lorsque cela s'avérera utile pour les cours consacrés aux structures algébriques, et plus par leurs propriétés que par leurs définitions.

I. Définitions

- Ensemble :

Un ensemble est défini comme une collection d'objets, notion que nous considérerons par la suite comme intuitive. Toutefois, toute collection d'objets ne constitue pas un ensemble; nous verrons par exemple plus loin que "l'ensemble de tous les ensembles" n'existe pas. La définition d'un ensemble est précisée par des axiomatiques, la plus couramment utilisée étant l'axiomatique de Zermelo-Fraenkel, ou ZF.
Néanmoins, dans la suite de ce cours, nous ne vérifierons pas systématiquement que les ensembles considérés existent; les lecteurs interessés peuvent se reporter à l'article sur l'axiomatique de Zermelo-Fraenkel.
L'appartenance d'un objet à un ensemble sera aussi considérée comme une notion première.

Notations :

Définitions :

  1. Soit E un ensemble; on appelle élément de E tout objet appartenant à E, et on note xE.
  2. Dans la suite, on utilisera souvent la notion de famille d'objets; on appelle famille (Ei)iI, avec iI , EiE, l'application IE,iEi. Une famille est appelée suite dans le cas particulier où I est l'ensemble N des entiers naturels, éventuellement privé d'un nombre fini d'éléments.

- Parties d'un ensemble :

Définition :

On dit qu'un ensemble E est une partie d'un ensemble F, ou que E est un sous-ensemble de F, ou que E est inclus dans F, ou que F est un sur-ensemble de E, et on note EF, si tout élément de E est aussi élément de F.

Remarque :

Soit E un ensemble. Alors E et Ø sont des parties de E.

Définition et notation :

Soit E un ensemble; on note P(E) l'ensemble des parties de E.

Définition :

Soit E un ensemble. On appelle partie propre de E toute partie de E distincte de E et de Ø

- Réunion, intersection, différence, différence symétrique :

Définitions :

Soient E et F deux ensembles.

Exemple :

Posons E={1;2} et F={2;3}. On a alors:

Remarques :

Règles de calcul :

Soient E, F, G des ensembles quelconques.

On a les propriétés suivantes :

Voir démonstration

Proposition :

Soient E et F deux ensembles; alors l'ensemble EF est l'ensemble des éléments qui appartiennent à E ou à F, mais pas aux deux à la fois:
EF=(EF)\(EF)

Voir démonstration

Partition :

Soient E un ensemble et (Ei)iI une famille de parties de E. On dit que les Ei forment une partition de E si :

- Ensemble-produit :

Définition :

- Application :

Définitions :

Remarque :

Le point de vue ensembliste adopté dans cette définition est très souvent mis de côté au profit des notions plus intuitives d'ensemble de départ et d'arrivée et de "formule"; c'est ce dernier point de vue que nous adopterons dans la suite de ce cours.

Notation :

On note FE l'ensemble des applications de E dans F.

Application identique d'un ensemble E :

Soit E un ensemble. On définit l'application identique de E (ou identité de E) par le triplet (E,E,D), où D est la diagonale de E, c'est-à-dire l'ensemble des couples (x,x), x décrivant E. Cette application est notée IdE. C'est l'application de E dans E définie par xE , IdE(x)=x.
Nous verrons que cette application joue un rôle important dans la caractérisation des bijections; elle est également utile en topologie.

Définition: stabilité :

Soient E un ensemble et f une application de E dans E; soit A une partie de E. On dit que A est stable par f si f(A)A.

- Composition des applications :

Définition :

Soient E, F, G trois ensembles, f une application de E dans F, g une application de F dans G. On appelle application composée de f par g l'application (gof):EG,x(gof)(x)=g(f(x)).

Proposition :

Soient E, F, G, H quatre ensembles, f une application de E vers F, g une application de F vers G, h une application de G vers H. On a (fog)oh=fo(goh).

Voir démonstration

- Injection, surjection, bijection :

Définitions :

Soient E et F deux ensembles et f une application de E dans F.

Caractérisation :

Avec les mêmes notations, on a:

Voir démonstration

Corollaire :

Il existe une injection de E dans F si et seulement s'il existe une surjection de F dans E.

Voir démonstration

II. Cardinal d'un ensemble

Remarque :

Nous n'allons pas ici définir le cardinal d'un ensemble, tout comme nous n'avons pas défini exactement ce qu'est un ensemble; en effet, ceci nous emmenerait trop loin des objectifs de ce chapitre. Nous allons simplement introduire la comparaison des cardinaux comme une notation traduisant l'existence d'injections, de surjections et de bijections entre des ensembles.

Définition :

Soient E et F deux ensembles.

Remarque :

On note parfois Card E ou |E| pour #E.

Proposition :

#E#F#F#E

Voir démonstration

Théorème de Cantor-Bernstein :

Soient E et F deux ensembles.
#E=#F(#E#F et #F#E)

Voir démonstration

Remarque :

Ces relations se comportent comme une relation d'ordre, mais cette "relation" n'est a priori pas définie sur un ensemble. Les résultats suivants vont nous en convaincre.

Proposition (théorème de Cantor):

Soit E un ensemble non vide; alors #E<#P(E).

Voir démonstration

Corollaire :

Il n'existe pas d'ensemble contenant tous les ensembles.

Voir démonstration

Définition :

Remarque :

Un ensemble fini est un ensemble dont le cardinal est un entier naturel; on retrouve là les cardinaux connus. Toutefois, cette notion n'est pas intuitive; en fait, elle a été utilisée par Cantor pour définir rigoureusement les nombres entiers naturels.

Proposition :

Tout ensemble infini contient un sous-ensemble dénombrable.

Voir démonstration

Caractérisation :

Un ensemble infini E est dénombrable si et seulement si E est l'ensemble-image d'une suite.

Voir démonstration

III. Lois de composition

 - Loi de composition interne :

Définition :

Notation :

Soit (E,+) un magma. Pour tout couple (x,y) d'éléments de E, on note x+y à la place de +(x,y).

Définitions :

Soit (E,+) un magma.

Définition: élement neutre :

Soit (E,+) un magma; soit e un élément de E.

e est un élément neutre de + si xE , x+e=e+x=x

Théorème :

Soit (E,+) un magma. S'il existe dans E un élément neutre pour la loi +, alors cet élément neutre est unique.

Voir démonstration

Définition :

Soit (E,+) un magma; supposons que + admet dans E un élément neutre, noté 0. Soit x un élément de E.

Théorème :

Soit (E,+) un magma dont la loi admet un élément neutre 0; soit x un élément de E.
Si x est inversible pour la loi +, et si la loi + est associative, alors l'inverse de x est défini de façon unique.

Voir démonstration

Définition: régularité :

Soient (E,+) un magma et e un élément de E.

Proposition :

Soit (E,+) un magma dont la loi + est associative et admet un élément neutre 0. Alors tout élément inversible à droite (resp. à gauche) de E est régulier à droite (resp. à gauche).

Voir démonstration

Définition: distributivité :

Soit E un ensemble non vide, soient + et * deux lois de composition interne sur E.

Définition: partie stable :

Soient (E,+) un magma et A une partie de E. A est dite stable pour la loi + si (x,y)A² , x+yA

- Loi de composition externe :

Définition :

Soient E et F deux ensembles non vides. Une loi de composition externe de E sur F est une application de l'ensemble produit ExF dans F.

Notation :

Soient E et F deux ensembles non vides; soit + une loi de composition externe de E sur F. On note pour tout élément (x,y) de ExF: +(x,y)=x+y.

 IV. Relations Binaires

Les relations binaires servent à définir les relations d'équivalence (égalité, équivalence...) et les relations d'ordre.

Définition :

Soit E un ensemble. On appelle relation binaire sur E toute application R de l'ensemble produit ExE dans un ensemble à deux éléments.

Notations usuelles :

Propriétés :

Soit (E,R) un ensemble muni d'une relation binaire.

- Compatibilité d'une relation binaire avec une application :

Soient (E,R) un ensemble muni d'une relation binaire, F un ensemble et f une application de E dans F. On dit que la relation R est compatible avec l'application f si (x,y)E² , xRyf(x)=f(y)

- Compatibilité d'une relation binaire avec les opérations :

Soit (E,+,R) un ensemble muni d'une loi de composition interne et d'une relation binaire. On dit que la relation R est compatible avec la loi + si (x,x',y,y')E4 , (xRy et x'Ry')(x+x')R(y+y')

- Relations d'équivalence :

Définition :

On appelle relation d'équivalence sur un ensemble E toute relation binaire sur E réflexive, transitive et symétrique.

Exemples :

L'équivalence de deux fonctions au voisinage d'un point, l'égalité de deux objets sont des relations d'équivalence.

Classes d'équivalence :

Soit (E,R) un ensemble muni d'une relation d'équivalence.

Si x est un élément de E, on appelle classe d'équivalence de x, et on note cl(x), l'ensemble des éléments y de E tels que xRy. On note E/R l'ensemble des classes d'équivalences des éléments de E.

Proposition :

L'ensemble des classes d'équivalence forme une partition de l'ensemble E.

Voir démonstration

V. Décomposition canonique d'un application

La construction abordée dans ce paragraphe est très importante en algèbre. Il ne faut en aucun cas se contenter de retenir le résultat, qui n'apporte bien souvent rien à lui seul, et qui de plus est indissociable de sa démonstration.

Avant d'aborder cette construction, il est important de bien connaître les propriétés des relations d'équivalence.

Données :

Dans toute la suite du paragraphe, on se donne deux ensembles E et F et une application f de E vers F.

Enoncé :

L'application f peut s'écrire comme une composée iobos, où:

Preuve :


Première version : 01/12/96
Auteur : Arnaud Gomes-Do-Vale (e-mail : arnaud@folium.eu.org)
Source : Cours de mathématiques supérieures de M Coulet (HX5 St-Louis 1994-95), Cours de mathématiques spéciales, T1:Algèbre (Ramis, Deschamps, Odoux; ed. Masson)
Relecture : Pascal Audoux